
“Tans pis. S’il n’y a pas, on va le faire !”
Gilles Pérole, adjoint au maire de la commune de Mouans-Sartoux
Mouans-Sartoux, commune du département des Alpes-Maritimes, nous présente une initiative des plus inspirante sur un modèle d’alimentation sain et durable à la cantine scolaire.
Depuis plus de dix ans, cette commune travaille sur sa politique agricole afin d’offrir une alimentation durable et accessible à tous. C’est dans cet esprit que la régie agricole à vu le jour afin de fournir les légumes de la cantine.
Qu’est-ce qu’une régie agricole ? C’est un modèle de gestion d’une exploitation maraîchère par une commune. Ce modèle prend la forme d’un service public puisqu’il n’y a pas de vente aux particuliers et les agriculteurs sont les salariés de la commune.
C’est en 2008 que Mouans-Sartoux décide de passer le restaurant scolaire en 100% bio pour être en accord avec son projet d’alimentation territorial. Dans un premier temps, la commune a modifié son marché public afin d’encourager l’arrivée de producteurs bio et locaux. La problématique de l’approvisionnement s’est rapidement posée car le département des Alpes-Maritimes s’est beaucoup urbanisé ces dernières années pour répondre à une demande touristique toujours plus importante.
En effet, selon le site CRATer, le rythme d’artificialisation des Surfaces Agricoles Utilisées (SAU) du département dépasse 3,5% par an, contre 0,11% pour la moyenne française (Source : https://crater.resiliencealimentaire.org/diagnostic.html?idTerritoire=D-06 ).
Ainsi, de nombreux terrains agricoles ayant servi à l’urbanisation , la commune n’a eu aucune réponse à son appel d’offre de producteurs locaux pour répondre aux besoins de sa cantine. « Tant pis. S’il n’y a pas, alors on va le faire ! » comme l’a dit Gilles Pérole, adjoint au Maire de Mouans-Sartoux. Ainsi, la création de la régie a répondu à un manque : elle n’est pas venu concurrencer une offre existante.
Une étude de faisabilité a été réalisée en interne : quelles quantités à produire ? A quelle fréquence ? Quelle surface ? En 2010, la commune décide de planter des pommes de terre et des courges avec son équipe chargée des espaces verts. Cette expérimentation confirme le souhait de la commune de se lancer dans ce projet. Elle embauche alors son premier agriculteur en mars 2011.
Le montage financier de la régie de Mouans-Sartoux s’est fait sur fonds propres. Produire ses propres légumes en payant correctement des exploitants revient plus cher que de se fournir chez un grossiste. Afin de pouvoir absorber ce surcoût, la commune réalise des économies en divisant par 5 le gaspillage alimentaire à la cantine, soit une économie de 20 centimes par repas et en proposant deux fois par semaine des repas végétariens dont le coût est deux fois moins élevé. Le calendrier scolaire ne correspondant pas forcément à la production maraîchère, la commune a investi dans des tunnels pour proposer des primeurs et des post-saisons. En outre, elle a investi dans unité de transformation afin de surgeler les légumes d’été, pour répondre au manque de légumes à la fin de l’hiver. Pour les autres aliments de la cantine, la commune a retravaillé ses marchés publics pour obtenir des produits les plus locaux et bio possibles. Aujourd’hui, 80% des produits sont issus de la région et du Piémont italien, soit un rayon de moins de 200 km.
Dix ans plus tard, la régie agricole c’est :
– 25 tonnes de légumes par an ;
– 6 hectares, dont environ 4 hectares cultivés ;
– 3 agriculteurs salariés ;
– 50 variétés de légumes différents cultivées ;
– Une agriculture totalement biologique
– Une autonomie à 96% des besoins en légumes de la cantine
La commune a ensuite été à l’initiative de la Maison d’Éducation à l’Alimentation Durable (MEAD) où de nombreux ateliers s’y déroulent. Il y a notamment des classes « Alimentation durable » sur une semaine à destination des enfants afin de leur expliquer d’où viennent les légumes qu’ils mangent. La MEAD est dotée d’une parcelle pédagogique pour transmettre les savoir-faire en matière d’exploitation agricole et d’une cuisine pédagogique. De nombreux acteurs de l’alimentation y sont associés afin de sensibiliser et d’éduquer davantage : ainsi, des animations sur l’apiculture ou encore sur le compostage s’y déroulent. Les enfants peuvent également venir un jour par mois afin de mieux comprendre l’effet des saisons sur la production. Enfin, la MEAD propose un diplôme universitaire pour former des chefs de projets en alimentation durable.
La régie agricole a modifié le rapport à l’alimentation des habitants. Elle a encouragé l’installation d’une AMAP, d’un magasin, d’un marché de producteurs et d’une épicerie associative de vrac. La MEAD propose aussi un « défi famille : alimentation positive » pour former les familles à manger bio, local et de saison sans pour autant impacter leur budget. Aujourd’hui, 87% des familles de la commune disent avoir changé leurs pratiques alimentaires.
Cette expérience a vocation à essaimer sur tout le territoire : ainsi, des visites de la régie sont organisées avec des élus et des techniciens de la France entière et des formations sur deux jours sont proposées afin d’inciter à modifier les politiques alimentaires des communes.
Aujourd’hui, notre pays compte vingt régies agricoles, toutes issues de l’expérience de Mouans-Sartoux.
Pour découvrir cette initiative en images, cliquez ici : https://www.youtube.com/watch?v=XPHPwb3NTwA
Également un article paru sur Reporterre : https://reporterre.net/Bio-et-local-quand-les-villes-cultivent-elles-memes-leurs-fruits-et-legumes?fbclid=IwAR1TSnJZGKV5mqoo3CgwPRIdeoKEAKocDP5H8ssPyJKCjxhXAtty6GME5Ac